Qu’est-ce que je savais de ce pays avant de venir ? Pas grand-chose… un pays pauvre mais en développement, une population importante prête à dépasser celle de la Chine. Le Taj Mahal et ses palais. La nourriture épicée et le thé au lait. Shiva, Ganesh et Krishna. L’hindi et son écriture intrigante. Les vaches sacrées. Bollywood, la danse, les chants. Les saris et les bracelets qui font du bruit aux poignets des femmes. New Dehli, Calcutta et Bombay. Je ne savais même pas où se trouvait Chennai sur la carte avant de regarder. Je ne crois pas que je savais même que cette ville existait.
Et me voilà ici, à Chennai, Tamil Nadu, Inde. Mes impressions se sont plus ou moins vérifiées. Pauvreté oui, mais pas autant que je le pensais, pas aussi visible ici en tous cas. Pas de morts dans la rue ni de rats qui courent partout. Mais des vaches oui, sur la route, au bord de la route, partout. Et des chiens, et parfois des chèvres. Des temples et des fêtes religieuses, l’odeur d’encens et la musique. Les femmes en sari de toutes les couleurs, les bracelets aux poignets bien sûr, mais aussi aux chevilles et les bagues aux pieds. Le troisième œil au milieu du front. Leur peau foncée qui fait ressortir les couleurs. Des princesses.
Ici on parle tamil et pas hindi. L’écriture n’est pas la même non plus. J’ai vite oublié mon « namasté », il n’a pas cours dans cet état. Il est remplacé par « vanakam ».
Les rickshaws jaunes, en plus ou moins bon état qui parcourent la ville et négocie âprement le prix de la course avec les étrangers. On roule à gauche, mais on double de tous les côtés. Les scooters, les motos, les voitures, les taxis, les bus, les camions, les vélos. Tout ce beau monde sur des routes mal en point, avec des trous partout. Routes qui deviennent de vraies piscines dès qu’il pleut. La mousson qui arrive. Les orages de fin du monde avec nombre d’éclairs. La température qui chute de plusieurs degrés quand l’orage commence. Et le soleil le lendemain. Chaud, brûlant, écrasant. Comme si de rien n’était.
La route, spectacle continuel quand on a le temps de regarder ce qu’il s’y passe.
Odeurs d’encens, de poussière, d’essence, de déchets, de jasmin. Odeurs de fruits et de poissons. Odeur de soleil et de chaleur.
Des femmes qui vendent du poisson sur le bord, toujours assises au même endroit, qu’il ait plu ou non. Des épiceries, des magasins, des pharmacies. Des vendeurs de bois, de poulets. Des restaurants. Les camions-citernes qui amènent l’eau pour ce qui n’ont pas un accès direct. Les femmes qui remplissent les bidons tôt le matin. Des piétons, partout. Tout le temps. Qui attendent le bus, qui marchent, qui discutent. Des temples, colorés. Avec le brahmane, et sa cordelette autour du corps. Les enfants en uniforme. Les femmes ou les filles avec du jasmin dans les cheveux, une longue natte dans le dos. Les hommes avec leur dhoti ou en pantalon pat’ d’eph ‘. Certaines sont pieds nus, qu’ils marchent ou conduisent une moto. Les policiers qui font la circulation, ou pas. Avec des chapeaux coloniaux. Les klaxons, tout le temps. Meilleur moyen pour dire « j’arrive, pousse-toi ». Les femmes en sari en amazone à l’arrière de la moto de leur mari, avec un enfant dans leur bras. Et parfois un enfant devant le père aussi. Les bus remplis, sans fenêtre et sans porte. Les jeunes qui s’accrochent où ils peuvent quand le bus passe ; une partie du corps à l’extérieur.
Les regards. Que fait donc une femme, étrangère, sur un scooter ? Amusant, agaçant parfois aussi. La communication en anglais, pas toujours évidente. L’accent indien est difficile à comprendre quand on n’est pas habitué. Les gestes pour aider. L’incompréhension parfois. Et ne pas savoir comment se comporter quand quelqu’un nous regarde : je souris ? je ne souris pas ? je fais un mouvement de tête pour dire bonjour ? je détourne le regard ? Qu’est-ce qui se fait et qu’est-ce qui ne se fait pas ici ?
La bière Kingfisher, pas très bonne. Les naans, les chapatis, le riz. Végétarien ou non, au choix. Le masala chai (thé masala, épices et lait).
Les roupies, pièces et billets. La musique tamoul et indienne. Les geekos qui se promènent dans notre appartement.
La poussière, la pollution, les déchets. L’absence de poubelles dans les rues. Pas d’égouts non plus. La saleté. Il y a à faire ici.
Les coupures régulières de courant, il n’y a pas assez d’électricité pour toute la ville.
Les mariages arrangés, encore aujourd’hui. Un fonctionnement à l’inverse du nôtre. Ici, on se marie et ensuite on va au cinéma, au restaurant, on apprend à se connaître. Les traditions qui rencontrent la modernité de certaines femmes, habillées à l’Occidentale, qui boivent, qui fument, qui sortent dans les bars et avec des hommes.
Les restaurants qui ne servent pas d’alcool. Les bars dont l’entrée est payante, où il faut venir en couple et qui ferment à 23h. Les « wine shop », seuls magasins où on peut acheter de l’alcool (et uniquement les hommes), avec souvent une petite pièce à l’arrière où les clients boivent directement ce qu’ils viennent d’acheter, de l’alcool fort, bon marché, peut-être frelaté. Ces magasins, avec parfois des grilles devant et où les billets et les bouteilles passent entre les barreaux.
Les grands hôtels et les maisons en paille. Les voitures avec chauffeur et les charrettes tirées par une vache.
Le fils de la gardienne qui me demande sans arrêt du chocolat ou des gâteaux. Qui vient me montrer ses devoirs d’école. Qui se baigne avec nous dans la piscine, qui joue, qui regarde la télé et qui dort sur une natte par terre, sous une moustiquaire.
Le cinéma, probablement le loisir préféré ici, après se promener au bord de la mer. Les films en tamoul ou en anglais. La censure des mots grossiers dans la bande-son et les sous-titres. Les films tamoul, histoires d’amour interminables et compliquées ; avec chants et danses à l’appui bien entendu.
Le rapport au temps. Différent. Pas exigeant. Pas d’horaires de bus, une circulation impossible à certaines heures de la journée. Pas toujours de rendez-vous fixé, mais plutôt : je viendrai demain. De la patience aussi, ou alors de la résignation. Je ne sais pas.
L’absence de femmes – seules – dans la rue quand la nuit tombe.
Beaucoup de choses m'échappent encore, mais je suis toujours surprise par ce que je vois. Et c'est peut-être ça le plus important pour le moment.
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